Au bord de la Saône, un homme s'est dédoublé. Par un jour gris d'octobre, vers six heures du soir, alors que la brume s'abaissait sur la ville.
Je dis que j'ai vu un homme se séparer de lui-même, mais lequel était l'original, lequel le double, cela je ne puis le dire - j'étais trop loin de l'autre côté du fleuve.
Comme la scène se passait juste au bord de l'eau, cela fit quatre hommes, issus de la même image, et chacun s'en alla de son côté.
Le premier au fil de l'eau a pris la route des feuilles mortes et des brindilles vers le Sud et le soleil, dans l'espoir que ce qui fut de sa substance, ou de son reflet, aille rejoindre la mer et les îles heureuses.
Le second s'envola vers l'Est avec les oiseaux noirs qui vont en Ukraine.
Le troisième gravit les collines et chemina vers l'Ouest à la recherche d'un autre fleuve, qui nourrit l'océan.
Et le dernier s'en fut vers le Nord, dans l'eau glauque à contre-courant, avec les anguilles qui connaissent les embouchures des rivières et qui savent franchir les biefs des moulins.
© Pierre Etienne / lente remontée depuis les rivages / les presses de Taizé 1969 ... p. 68 à 69
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