Le bon vin est débouché au milieu de l'hiver, par un ciel encombré de nuages venus de la mer très loin à l'Ouest.
(Au milieu des terres nous n'en connaissons pas moins le glissement répercuté dans les hauteurs, et cette espèce de brume et d'embruns qui estompe les collines).
Baissons-nous et entrons dans la cave voûtée ainsi qu'un ancien sépulcre. Nos yeux, déjà lavés par les eaux sombres de janvier, n'auront à s'accoutumer guère de peine.
Debout, comme des hommes qui ne font ici qu'une halte brève, nous choquerons nos verres et nous repartirons sur des routes dissemblables.
Mais maintenant nous dégustons le vin le meilleur. Autrefois nous avons trop mouillé nos lèvres de leurs verjus et de leurs piquettes.
Celui-ci repose tranquille dans notre verre et ne demande que sa communication à tous les vaisseaux de notre être.
Car l'alliance à quelques-uns que nous allons faire à présent : de partager après la parole rituelle la boisson aux bouffées capiteuses,
Voisi qu'elle fait entrer de la lumière au-dedans de nous et tous ensemble il nous prend envie de nous parler avec une bonhommie qui est de la tendresse cachée.
Ainsi nous remontons un sûr chemin, le ruisseau perdu de la joie le voici qui court dans nos fibres et qui s'en vient jusqu'aux entrailles.
Fortifiés et égayés, ouverts à la dimension nouvelle de ce dimanche d'alliance nous saurons trinquer avec tous les hommes, car il commence toujours à quelques-uns le pacte universel.
C'est le vin vieux que nous avons vu couler dans les verres épais et lourds (à notre image, tels nous sommes). Plus tard nous boirons le vin nouveau,
Plus en avant, dans un autre lieu. Et nous serons plus nombreux qu'aujourd'hui à nous réjouir en compagnie d'un hôte que nous avons connu jadis et dont nous sera redonné la mémoire.
© Pierre Etienne / lente remontée depuis les rivages / les presses de Taizé 1969 ... p. 60 à 62
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